Le Moyen-Âge : au delà des idées reçues
En 1834, Jean-Antoine Letronne, professeur au Collège de France et futur directeur de l’Ecole des Chartes, publia un article dans La Revue des Deux mondes au titre caractéristique : « Des opinions cosmographiques des pères de l’Eglises rapprochées des doctrines philosophiques de la Grèce ». Dans cet article, l’auteur opposait les «fantasmes religieux du Moyen-Âge » à l’âge de la raison, l’ère des Lumières. C’est très exactement de cet article qu’il faut dater l’image d’un Moyen-Âge obscurantiste : le Moyen-Âge et ses donjons noirs, avec ses paysans travaillant sous le joug sans pitié des seigneurs, ses croisades préfiguration de la colonisation moderne, ce Moyen-Âge qui pensait que la terre était plate et que les femmes ne possédaient pas d’âmes. Une époque enfin où régnaient l’inquisition et donc l’interdiction de penser… Même si, depuis, la recherche a évolué sur toutes ces questions, certaines idées ont la vie dure. Dans les conversations, afin d’exprimer le retour à un âge sombre fait de violence et de bêtise, on parle ainsi de « retour au Moyen-âge ». Par ailleurs, encore récemment, un courant historiographique idéologique a souhaité faire de l’histoire de la nation France une sorte d’abstraction, née non pas au XIIIe ou XIVe siècles mais au XIXe siècle, comme si les travaux des grands historiens comme Karl Ferdinand Werner ou Philippe Contamine n’avaient aucune valeur.
L’invité: Nicolas Weill-Parot est directeur d’études à l’École pratique des hautes études (Section des sciences historiques et philologiques), titulaire de la chaire « Histoire des sciences dans l’Occident médiéval », et membre du laboratoire Savoirs et Pratiques du Moyen-Âge (EA 4116). Avec Véronique Sales il a dirigé Le Vrai visage du Moyen-Âge, au delà des idées reçues (Vendémiaire). Avec Joël Chandelier, Catherine Verna, il a organisé le colloque consacré à Science et technique au Moyen-Âge (XIIe-XVe siècle) et dont les actes ont été publié aux Presses universitaires de Vincennes.